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Maison de Naissance ... on subit moins !

Maisons de naissance: «On sent aujourd’hui une envie des patientes de moins subir»

REPORTAGE Alors qu’un récent rapport suggère d’élargir l’offre des maisons de naissance en France pour lutter contre les violences obstétricales, « 20 Minutes » a poussé la porte de Calm, seule maison de naissance parisienne…

Oihana Gabriel


Huit maisons de naissance en France font partie d'une expérimentation depuis deux ans et demi. Le rapport du Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes, rendu il y a une semaine, souhaite s'appuyer sur cette évaluation pour élargir cette offre. Dans ces espaces, une poignée de patientes peuvent accoucher sans médecin, sans instruments médicaux et en prenant le temps. 

Sur le frigo commun, un poster du « Kama-sutra de l’accouchement ». Comme à la maison (Calm) porte bien son nom : cette maison de naissance propose un cocon cosy pour les couples qui souhaitent un accouchement physiologique. Comprenez : limiter au maximum l’intervention médicale. Exit donc médecins et péridurale. Ici, les sages-femmes accompagnent, en binôme, la mise au monde. Et en cas de complication, désir de péridurale, césarienne, spatules ou ventouses, la patiente est transférée à la maternité des Bluets attenante. En 2017, 184 couples ont amorcé la préparation à l’accouchement… et 125 ont accueilli leur enfant entre ces murs.

« Je ne voulais pas accoucher avec un inconnu »

Margaux a donné naissance à son fils il y a trois ans et demi ici, et rempile dans quelques semaines pour son deuxième enfant. « J’ai passé beaucoup de temps à l’hôpital car ma petite sœur souffrait d’une maladie chronique, raconte la jeune mère. Pour moi, c’était synonyme d’attente et de mauvaise nouvelle. J’avais envie d’un autre cadre pour la naissance de mon fils. Et puis je ne voulais pas accoucher avec un inconnu, être juste un numéro. » Calm fait partie des huit maisons de naissance françaises actuellement expérimentées.Une expérimentation, si elle s'avère positive, qui pourrait être élargie, c'est en tout cas une piste esquissée par le rapport du Haut comité pour l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) pour lutter contre les violences obstétricales.

Comment cette maison de naissance fonctionne ?

Des lieux originaux, et courants chez nos voisins allemands et anglais, où toutes les futures mamans ne pourront pas donner la vie. La liste des conditions restreint l’accès : n’attendre qu’un bébé, que la grossesse se passe bien, ne pas avoir eu de césarienne… et vivre à 30 minutes maximum du lieu. « Au début c’était 40 minutes, mais nous avons réduit pour sélectionner les demandes », précise Anne, une sage-femme présente dès l’origine du projet il y a dix ans.


Ici, une seule sage-femme suit le couple dès la première échographie jusqu’aux suites de couches. Un accompagnement individuel et global, qui permet confiance et travail de qualité… mais demande aussi de l’engagement de la part des soignantes. « On a plus de responsabilités et on est davantage joignables, souligne Anne. Je fais sans doute moins de gardes que quand je travaillais aux Bleuets, mais je ne sais jamais quand je vais les faire ! »

Et pour la patiente ? « A l’hôpital, c’est souvent très fractionné : il y a une personne qui s’occupe du bébé, une autre de la mère, reprend la sage-femme. Raconter la même histoire dix fois pèse parfois, certains se sentent perdus par les conseils contradictoires entre la sage-femme du matin et celle de l’après-midi… Mais d’autres parents apprécient la pluridisciplinarité. »

Autre particularité : Calm dispose de deux chambres de naissance, deux cabinets de consultation, un balcon et une salle de yoga… mais pas de chambre d’hospitalisation ! « Les parents sortent quelques heures après l’accouchement, reprend Anne. Au début de la grossesse, cela provoque une appréhension, notamment pour les pères. Et souvent, ils nous disent que finalement ce retour précoce à la maison leur plaît beaucoup. »

« Et on n’est pas lâchés dans la nature ! », réagit Margaux. Car pendant plusieurs jours, la sage-femme rend visite à la famille environ toutes les 48 h. « Attention, notre message n’est pas de dire l’hôpital c’est horrible et ici c’est tout rose », avertit Margaux. D’ailleurs, « la plupart des patients qui viennent pour un deuxième accouchement ont bien vécu leur passage à la maternité », assure Anne.

Autonomisation des patientes

Toujours est-il que cette démarche, un projet co-construit entre sages-femmes et futurs parents, répond à un désir croissant d’accouchement moins médicalisé et d'autonomie. Détail intéressant : les six sages-femmes qui y travaillent à plein temps ont étudié à l’étranger : Suisse, Belgique, Angleterre… « J’ai récemment découvert qu’en France, les étudiantes sage-femme ne suivent aucun cours sur l’accouchement physiologique !, s’exclame Alice, sage-femme au Calm depuis 2016. En France, la question de la décision partagée émerge en ce moment, avec quinze ans de retard par rapport à d’autres pays. »

« On sent aujourd’hui une envie des patientes de moins subir, renchérit Margaux, bénévole à l’association Au CALM (association des amis et usagers de Comme à la maison). On milite pour le libre choix du lieu de naissance que ça soit à domicile, dans une maison de naissance ou dans une maternité de niveau 3. Mais encore faudrait-il que ces familles aient l’information et la possibilité d’accéder à ces lieux. Or, avec six maisons de naissance en France métropolitaine, c’est largement insuffisant. » A Paris, cette unique maison de naissance refuse deux tiers des demandes.

Comment élargir ?

Preuve qu’élargir cette offre pourrait être utile. « Nous sommes ravies de l’intérêt porté aux maisons de naissance par le HCE, mais dans l’état actuel des choses, elles peuvent fermer dans deux ans et demi, fin de l’expérimentation », nuance Margaux. Et rien n’est spécifié dans le rapport sur les moyens alloués… Aujourd’hui, les couples qui choisissent Calm doivent débourser 1.000 euros de plus que dans une maternité publique.

Autre problème : le foncier. Pour le moment, les huit maisons de naissance doivent ouvrir au sein d’un hôpital. « Mais des locaux vides attenants aux maternités, il n’y en a pas, critique Margaux. Si on veut vraiment élargir l’offre, il faut accepter des maisons de naissance hors de l’hôpital. D’ailleurs, une étude anglaise a prouvé que les maisons de naissance extrahospitalières, à condition de se situer à 20 minutes de transport maximum et d’une bonne coordination avec la maternité, offrent les mêmes garanties en termes de sécurité. »

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